Martín Palmeri (1965-)
Musicien de formation classique, Palmeri se fonde sur la tradition musicale « savante » pour le choix des genres, des formes et des textes, pour la composition et l’écriture. Portègne profondément imprégné de tango, il en utilise le caractère, les rythmes, l’instrumentation et les sonorités. Et il fusionne les deux influences.
Au cours du XIX et du XXè siècles, de nombreux compositeurs classiques ont recherché inspiration ou identité dans les traditions musicales nationales -Dvorak, Smetana, Bartok, Stravinsky, Falla…- et ont mêlé les apports des musiques savantes et traditionnelles.
En Argentine, dans les années 1960, alors que le tango décline devant le succès de nouvelles musiques et trois décennies de censure, de violences et d'instabilité politique et sociale, Astor Piazzolla s’attache à croiser les influences (musique savante, jazz…), faisant émerger un courant nouveau qu’il dénomme le tango nuevo.
Le tango est si étroitement associé à l’essence du peuple argentin depuis un siècle, que les compositeurs argentins l’introduisent dans leur musique pour s’inscrire dans une identité et un sentiment nationaux.
En matière de musique sacrée, d’autres compositeurs ont accompagné la liturgie de l’office catholique par des musiques empreintes d’influences populaires. Comme avant lui en Argentine, Ariel Ramirez dans la Misa Criolla sur des textes espagnols et des sonorités argentines et boliviennes (1963), et après lui, par exemple, au Royaume-Uni, Bob Chilcott dans la Little Jazz Mass sur des textes latins et des harmonies et des rythmes de jazz (2004).
La Misa a Buenos Aires, dite Misatango
Pendant un siècle, l’identité sulfureuse de cette musique de danse ostensiblement sensuelle née dans les bas-fonds miséreux de Buenos Aires, tient le tango à l’écart de la société bien pensante et de l’Eglise. Au début du XXème siècle, lorsque les salons parisiens des Années folles découvrent et adoptent avec fureur cette nouvelle danse, l’archevêque de Paris demande (sans succès) à Pie X sa mise à l’index !
Après des décennies d’ostracisme, certains dans l’Eglise reconnaissent dans cette musique une « inquiétude métaphysique » partagée par des croyants et voient dans son intégration aux rites la traduction de l’affirmation de la place en son sein du peuple argentin et des communautés les plus défavorisées. Le tango entre à l’église, au même titre que les musiques traditionnelles des communautés rurales furent intégrées aux pratiques liturgiques au XVIème siècle.
L’accession à la dignité pontificale de Jorge Bergoglio, jésuite argentin, ancien archevêque de Buenos Aires, a pu contribuer à l’acceptation du tango par L’Eglise. Lors d’entretiens et d’interviews, Jorge Bergoglio déclare : « J’aime beaucoup le tango. C’est une musique profondément ancrée en moi. » ou encore : « C'est plus fort que moi, j'adore ça. » En 2013, pour rendre hommage au pape nouvellement élu, Martin Palmeri est invité à jouer la Misatango en l’église vaticane Saint-Ignace de Loyola pour l'ouverture du prestigieux Festival international de musique et d'art sacré de Rome dédié au Souverain Pontife.
Un chef de chœur français qui dirige périodiquement la Misatango témoigne que « si de nombreux curés sont très chaleureux à l’idée d’accueillir notre choeur pour jouer [cette] oeuvre, certains sont beaucoup plus réticents. Mais lorsque nous leur disons que le Pape l’a fait jouer dans une église au Vatican, cela lève les réticences. »
Rédigé par Françoise MATHIEU (Alto)
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